DE PHILOSOPHIA GYRANTIUM TABULARUM [« Philosophie des tables tournantes »]

Censura philosophica de libro Rinaldus Evrard [Renaud Evrard] c.t. La légende de l’esprit : Enquête sur 150 ans de parapsychologie [= Legenda mentis humanae sive inquisitio historica per praeteritos CL annos de parapsychologia] (Escalquens, Éditions Trajectoire, 2016)

[Résumé en français ci-dessous]

Summarium : Cur « censura philosophica » ? Censura quia tale iudicium est qualia cetera de libris scientiae sic appellata, philosophica autem quoniam huic iudicio philosophica commentaria propria addidimus. Nam praecipuum huius operis historici argumentum est de his rebus quae hodie parapsychologicae dicuntur. Nonnulli easdem moderna sive hodierna mirabilia vocant. Quibus rebus mirabilibus sive insolitis, monstruosis, prodigiosis (quia rationi modernae repugnantibus) quidam viri doctissimi nostrae aetatis diligenter studuerunt, e.g. physici Villelmus [William] Crookes (1832-1919) et Petrus [Pierre] Curie (1859-1906), atque philosophi Villelmus [William] James (1842-1910) et Henricus [Henri] Bergson (1859-1941). Rinaldus autem Evrard ipse ut lector psychologiam in Universitate Lotharingiae (Nanceii-Metarum, vulgo Nancy-Metz) docet. Hoc primum vero mirandum est, sc. eius librum CCCCLXXX paginarum, fructum decem annorum inquisitionis ac laboris. 

Opinio nostra de phaenomenis normam regulamque praeterientibus (vulgo « phénomènes paranormaux ») haec est : primum omnium haec quaestio intellectui optimam exercitationem cogitandi praebet. Deinde autem, nisi dogma commune sive orthodoxiam physicorum sequimur, tunc intelligere licet hanc quaestionem haud tantum ad epistemologiam quantum ad metaphysica pertinere. Sic enim intellecta, ista facta vel potius observata monstruosaque nobis repraesentant quasi umbram logicam atque necessariam huius ontologiae modernae quam Francogallus anthropologiae peritus nomine Philippus Descola naturalismum appellat (cf. Par-delà nature et culture, Paris, 2005) : res parapsychologicae quamcumque certam observationem fugitant sicut ontologia communis conscientiam nostram praeterit – quae proprietas istorum phaenomenum facultas eludendi dicitur (Francogallice élusivité). Quamobrem orthodoxia rationem doctrinamque cartesianam de mente corporeque solam admittit quasi rectam rerum visionem et intellectionem, ut parapsychologia a plurimis doctis parascientia vel pseudoscientia appelletur. Etenim ambae (sc. moderna scientia et parascientia) XVII° saeculo incipienti una simul natae sunt.   Aliis verbis, dualismo cartesiano ducti, in talibus rebus et quaestionibus non nisi phantasmatica videbimus, verumtamen monismo Benedicti de Spinoza docti, quasdam profundas cogitationes in eisdem inveniemus. 

Nexus ad symbolam

[= Lien vers cet article de 40 pages écrites en français

PHILOSOPHIE DES TABLES TOURNANTES

Recension philosophique du livre de Renaud Evrard, La légende de l’esprit : Enquête sur 150 ans de parapsychologie, Escalquens, Trajectoire, 2016.  

Résumé : Pourquoi « recension philosophique » ? Recension puisque cet article est une critique comme celles que l’on fait des autres ouvrages scientifiques ; philosophique parce qu’à cette critique nous avons ajouté des commentaires philosophiques personnels. En effet, le thème principal de ce livre d’histoire est ce que l’on appelle aujourd’hui le parapsychologique. Certains l’appellent le « merveilleux moderne ». Or ces expériences étonnantes, inhabituelles, extraordinaires, exceptionnelles (parce qu’elles vont à l’encontre de la rationalité moderne), certains savants de notre temps les ont étudiées avec attention, par exemple les physiciens William Crookes (1832-1919) et Pierre Curie (1859-1906), et les philosophes William James (1842-1910) et Henri Bergson (1859-1941). Renaud Evrard est lui-même maître de conférences en psychologie à l’Université de Lorraine (Nancy-Metz). Et ce qui est exceptionnel en tout premier lieu, c’est son livre de 480 pages, fruit de dix années de recherche et de travail.  

Notre thèse sur les phénomènes paranormaux est la suivante : tout d'abord, cette question offre à l'entendement un excellent exercice de pensée. Ensuite, si l’on ne suit pas la théorie dominante autrement dit l’orthodoxie scientifique, il est possible de comprendre que cette question ne concerne pas tant l’épistémologie que la métaphysique. En effet, compris de cette manière, ces faits ou plutôt ces observations extraordinaires nous donnent à voir comme l’ombre logique et nécessaire de l’ontologie moderne, appelée naturalisme par l’anthropologue français Philippe Descola (Par-delà nature et culture, Paris, 2005) : les phénomènes parapsychologiques échappent à toute observation certaine tout comme l’ontologie commune échappe à notre conscience – une propriété de ces phénomènes appelée élusivité. Pour cette raison, comme l’orthodoxie n’admet pour vision et compréhension correcte des choses que la conception cartésienne et rationnelle concernant l’esprit et le corps, la plupart des savants appelle la parapsychologie une parascience ou une pseudoscience. De fait, les deux (la science moderne et la parascience) sont nées ensemble au début du XVIIe siècle.   En d’autres termes, selon le dualisme cartésien, nous ne verrons dans ces phénomènes que des fruits de l’imagination, tandis qu’à la lumière du monisme de Spinoza, nous y trouverons de profondes vérités.